Formulons-le autrement. Si je me rends chez mon boulanger à vélo pour acheter du pain, suis-je d’emblée contre l’avion ? Et si je pars en vacances en avion, suis-je contre le vélo ? Bien sûr que non ! Ces deux moyens de transport sont adaptés à l’utilisation qui en est faite. Il en va de même avec le Beki et l’Euro. Si je passe mes vacances au sein de la zone Euro, l’Euro est bien entendu très pratique. Mais je n’ai pas forcément besoin d’une monnaie en cours au Portugal pour acheter des pains chez le boulanger du coin ! Il existe des alternatives dans tous les domaines, et c’est également le cas au niveau monétaire grâce au Beki. L’Euro est en quelque sorte le jumbo-jet, avec lequel je pars en vacances, tandis que le Beki est plutôt le vélo avec lequel je me déplace pour acheter du pain au centre du village. Les deux se complètent.
Le beki n’est certainement pas davantage une action contre l’Europe ou la pensée européenne. L’UE a soutenu la préparation du projet « Beki » par l’entreprise du programme LEADER, et pour cause, puisqu’un des fondements de l’UE est le principe de subsidiarité, à savoir que les affaires doivent être traitées au niveau le plus bas possible, ou à l’échelon supérieur immédiat. Si des citoyens du canton de Redange estiment, par exemple, que des emplois doivent être maintenus dans leur contrée, que les producteurs régionaux doivent être soutenus, etc., ils ne doivent pas adresser un courrier à la Commission européenne pour qu’elle s’occupe de cette question, mais c’est au Canton de Redange lui-même de prendre les mesures qui s’imposent.
Cette question sous-entend souvent un reproche : ne serions-nous pas confrontés à des problèmes si nous devions emporter des monnaies régionales différentes pour traverser le pays ? On entend alors que le projet « Beki » serait dirigé contre l’euro, qui serait petit à petit remplacé par des monnaies purement régionales. Ce n’est bien entendu pas le but recherché. C’est pour cette raison que l’hypothèse que chaque région introduise effectivement sa propre monnaie régionale n’est pas du tout problématique. Chacun pourrait payer avec sa monnaie régionale chez soi et en euros en dehors de sa région, voire, pour celui qui en a envie, dans la monnaie de la région où il se trouve. Et si vous ne voulez absolument pas payer avec de la monnaie régionale, vous pouvez aussi utiliser l’Euro partout. C’est aussi simple que ça. Par ailleurs, on compte parmi les partisans des monnaies régionales de nombreuses personnes qui sont pour un système monétaire à plusieurs échelons. Une monnaie locale/régionale, une nationale/multinationale et une mondiale pour les transferts internationaux, qui ne seraient toutefois pas contrôlées par un seul État. Chaque monnaie pourrait poursuivre son propre but, sans le moindre compromis.
Du reste, lorsqu’on regarde l’histoire, on constate que plusieurs monnaies ont longtemps circulé en parallèle dans de nombreuses contrées. Les anciens Égyptiens utilisaient déjà une double monnaie : ils acceptaient les monnaies en métal précieux provenant d’autres pays (à la valeur du métal) et les employaient aussi bien pour le commerce intérieur qu’extérieur. Ils payaient également, à l’intérieur du pays, à l’aide de quittances inscrites sur des tablettes d’argile. En effet, l’utilisation d’une seule monnaie pour tout fut une exception historique.